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Entendu sur France Musique. « Rassemblement national : les angoisses du secteur de la musique et du spectacle vivant »

Écoutez l’audio du jeudi 13 juin 2024 ici

Crainte d’une baisse de subventions, d’une création bridée… Des acteurs de la culture mettent en garde contre le RN, à moins de trois semaines des élections législatives.

Quel état d’esprit dans le monde de la culture après le score du RN aux élections européennes et la dissolution de l’Assemblée nationale ? Ils sont nombreux à craindre la politique culturelle que pourrait mener le Rassemblement national, s’il venait à entrer au gouvernement. Crainte d’une baisse de subventions, d’une création bridée… Le secteur du spectacle vivant et de la musique, notamment, se mobilise en vue des législatives.

« Un ennemi du travailleur de la culture »

Un état de « quasi-sidération ». C’est ce que décrit Karine Huet, la secrétaire nationale du Snam-CGT, syndicat des musiciens et musiciennes, face à la montée du Rassemblement national. « Nous voyons bien que les subventions pour la création artistique ne sont pas du tout une priorité du RN. Pour l’enseignement artistique, nous avons aussi peur des orientations politiques qui pourraient être prises pour tous les enseignants« , s’inquiète-t-elle : « Le RN est aussi un ennemi du travailleur de la culture, parce que nous n’avons pas la même vision des droits sociaux. Cela fait quand même beaucoup de choses, entre la création, les droits sociaux, le service public… Nous ne voulons absolument pas avoir le RN au pouvoir, et nous ferons tout pour qu’il n’y soit pas. »

La syndicaliste fait aussi partie de la direction de la CGT Spectacle, qui appelle à se rassembler ce jeudi 13 juin, notamment contre l’extrême droite. Mobilisation aussi du syndicat des musiques actuelles, le SMA. « Nous allons faire paraître une tribune d’ici la fin de la semaine, vendredi, que l’on propose de co-signer à d’autres organisations du spectacle vivant, pour partager au plus grand nombre la crainte qui est la nôtre« , indique Stéphane Krasniewski, vice-président du SMA, aussi directeur du festival Les Suds à Arles. Pour lui, le RN est un ennemi de la culture : « Nous pouvons imaginer que les outils de régulation que sont la subvention, l’intermittence du spectacle, ou l’assurance chômage, risquent d’être mis à mal par des politiques qui auront pour vocation de mettre en avant telle ou telle culture, au détriment de telle ou telle autre. »

« Quid de leur politique sur la création artistique ? »

Une perte de diversité, c’est aussi l’inquiétude de certains orchestres. Celui de Pau-Pays de Béarn, par exemple, dirigé par Frédéric Morando, membre du bureau de l’Association française des orchestres : « Nos métiers consistent à travailler sur la rencontre et sur le fait d’accepter d’être bousculé par un propos, par une esthétique. Cette curiosité du bousculement, par rapport à ce que l’on est soi-même, ne me semble pas du tout représentée par le RN. Je suis en train d’écrire un mail à une compositrice que j’adore pour lui passer commande. Quid de leur politique sur la création artistique ? Est-ce qu’il faut continuer à créer des œuvres ? » La situation le pousse aussi à réfléchir sur l’action des orchestres : « Avons-nous bien travaillé toutes ces années pour qu’à l’arrivée nous en soyons là ? Est-ce que nous aurions dû aller plus loin, plus fort, plus l’exprimer, plus nous ouvrir ?« .

Appréhension enfin pour des opéras. Loïc Lachenal dirige celui de Rouen, membre des Forces Musicales, syndicat qui regroupe opéras et orchestres : « Partout où elle est arrivée au pouvoir, la culture est devenue un champ de bataille pour l’extrême droite. Que ce soit en Hongrie, en Italie… Le cœur de cette bataille, c’est vraiment de mettre à pas la création au service d’un imaginaire complètement unique et refermé. » Le directeur d’opéra prend pour exemple l’Italie de Giorgia Meloni et les propos de son ministre de la Culture, qui avait déclaré vouloir se servir de la culture pour développer un « nouvel imaginaire« . »