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Entendu sur France Musique. « Comment enseigner et transmettre la musique aujourd’hui? » avec Raphaël Imbert

Écouter l’extrait sur le site de Radio France ici

« Jamais la musique n’a été aussi abondante et accessible qu’aujourd’hui. Pourtant, les conservatoires souffrent encore d’une image académique et élitiste, qui décourage beaucoup d’élèves. Comment remettre la pratique musicale au cœur de l’enseignement ? Réponse avec un essai, signé Raphaël Imbert.

Pour ou contre les conservatoires, c’est le titre du texte que publie Raphaël Imbert, saxophoniste, improvisateur, chercheur, ancien directeur du Conservatoire Pierre Barbizet de Marseille et désormais directeur général de l’Institut national supérieur d’enseignement artistique Marseille Méditerranée, établissement public qui regroupe le Conservatoire Pierre Barbizet, les Beaux-arts et l’Institut de formation artistique Marseille Méditerranée.

Mais alors, poser la question de l’utilité des conservatoires, lorsque l’on en dirige soi-même un, est-ce bien raisonnable ? Oui, nous répond le musicien, car le titre « est un peu une sentence sous-jacente, que l’on entend dans beaucoup de débats, de questions ou d’interrogations, des parents d’élèves aux politiques culturelles. » L’idée de l’essai part donc d’un double constat : d’un côté, l’image désuète, stricte et académique qui colle toujours à la peau des conservatoires, « où il faut commencer très tôt, suivre tout un long cursus », de l’autre, une expérience personnelle et artistique heureuse au sein du Conservatoire Pierre Barbizet, cette même structure qu’il a dirigée de 2019 à 2023, et dans laquelle il est entré plutôt tardivement : « Le Conservatoire de Marseille a eu la capacité de m’accueillir, moi qui étais un artiste totalement autodidacte. Je n’ai jamais pris de cours de saxophone de ma vie, j’ai appris tout seul, un jour, parce que j’ai rencontré un voisin qui faisait du saxophone. J’avais 15 ans. Et deux ans après, je rentrais dans cette fameuse classe de jazz : la première, créée en France à l’initiative de Pierre Barbizet, en 1963. »

Renouer avec la pratique musicale collective

Au conservatoire, Raphaël apprend la théorie musicale, « ce qu’était le sens même de cette musique », mais aussi et surtout la pratique collective, l’improvisation. D’où le sous-titre de l’essai : De l’urgence de pratiquer la musique. Car c’est peut-être cela que nous avons perdu, au fil des années, nous explique l’auteur, l’importance de jouer, de se créer des occasions de jouer, de former des groupes musicaux, de se réunir autour de la musique, en mêlant les goûts et curiosités de chacun et de chacune. « J’ai trouvé le challenge intéressant, cette idée que, finalement, les conservatoires sont plus un élément d’éloignement de la pratique musicale, qui est très ancrée dans l’imaginaire public, avec de bonnes raisons. » Par exemple, nous dit-il, l’histoire ancestrale des institutions françaises et des conservatoires, la défiance envers ces institutions académiques, l’homogénéisation des pratiques musicales a pu mener à « détruire ou invisibiliser énormément de pratiques populaires et locales ». Et les conservatoires ont justement un grand rôle à jouer dans la revalorisation de la pratique musicale collective, en constituant d’abord « un outil remarquable de reconnexion culturelle avec les citoyens et les citoyennes ».

Les conservatoires au service de la production culturelle

Raphaël Imbert le rappelle : nous bénéficions en France d’un nombre considérable de conservatoires nationaux, régionaux, territoriaux, communaux et inter-communaux, un « maillage territorial extraordinaire […] à une époque où l’on se pose la question de l’abandon du service public, du sentiment d’abandon que peuvent avoir les zones périphériques. On a un maillage extraordinaire et des fonctionnaires extraordinaires, qui défendent et savent transmettre la musique ». Reste, peut-être, à repenser certaines pratiques d’apprentissage de la musique, sans exclure les disciplines théoriques, mais en replaçant le plaisir de jouer au centre de l’enseignement. Pour Raphaël Imbert, il s’agit de « revenir à des méthodes de pratique et d’improvisation » en reconnectant les conservatoires « à la transmission de l’oralité », et en remettant les conservatoires « au cœur de la production culturelle. » »