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Direction O.S.L.Ø. pour le label Ouch! Records

 

Ouch! Records, c’est un label, axé vinyles et dépourvu d’œillères, œuvrant sur les crêtes du jazz, là où le punk s’effiloche. Mené par le saxophoniste très stoogien Lionel Martin, rééditant des raretés de Louis Sclavis ou de Ukandanz (qui vient de s’arrêter), mettant en lumière l’illustre Louis Moreau Gottschalk, Ouch! s’offre un concert spécial sous patronyme O.S.L.Ø., réunissant pour le Saint-Fons Jazz la crème des musiciens du label, dont Louis Sclavis. Conversation.

par Sébastien Broquet

Mardi 24 janvier 2017

Lionel Martin : Je le trouvais trop long, le premier Ukandanz, en CD. Tu décroches. Trop d’intensité ! En vinyle, Yetchalal, tu l’as sur quatre faces, tu respires, tu retournes, et c’est reparti. Tu arrives à la fin, tu as le temps d’avoir encore faim. C’est aussi le sens du vinyle : la contrainte de temps.

Expliquons : Ouch! Records, c’est donc un label, dédié au vinyle principalement, pour des éditions limitées à 500 exemplaires.
Lionel Martin : L’histoire commence vraiment avec Ukandanz. Ce premier album méritait d’être remis en lumière, d’être découpé différemment. C’est mon préféré ! J’ai décidé de monter un label pour le ressortir, sous forme d’un bel objet, un peu de collection. Qui dit collection, dit jouer sur la rareté. Je suis collectionneur de vinyles, aussi : j’ai passé pas mal de samedis matin à me lever de bonne heure pour aller faire les brocantes. Je ne le fais plus depuis quatre ans, trop de monde, trop de professionnels : c’est stressant. Et les prix ont explosé. Ce qui me désespère, surtout quand des gens font de la spéculation sur des disques difficiles, comme du Albert Ayler, qui du coup ne seront jamais écoutés…

Direction O.S.L.Ø. pour le label Ouch! Records

Monter ce label, c’est aussi pour garder un prix très accessible, à 15 euros le disque environ : on s’adresse à des mélomanes.

Côté style, Ouch! c’est punk et noise dans l’esprit, c’est jazz dans la musique, dirais-je. Comme un juste milieu.
C’est ma philosophie de vie ! Pour moi, le jazz, c’est punk. Après… Sclavis l’est aussi. Je me souviens encore de ses concerts en solo au Kafé Myzik. Il joue de la clarinette, mais il aurait une guitare électrique, ce serait pareil dans l’énergie et l’intensité… Il a gardé un cap toute sa vie. Tu l’écoutes, même sur son dernier disque baroque, tu sais que c’est lui immédiatement. Il a une personnalité, un son. Le jazz se perd trop souvent dans la technicité qui lui fait perdre ce côté punk. Sur notre label, je veux garder ce côté-là. Même si Jazz Before Jazz, consacré à Gottschalk, est très soigné au niveau du son.

Le punk, c’est pas forcément crade : c’est une quête de singularité et de pureté. Faire les choses de manière entière.

Justement, Gottschalk…
Quand tu lis les aventures de Gottschalk, c’est extraordinaire… Je lisais en parallèle la biographie de Keith Richards et la sienne : les mêmes à 150 ans d’écart. Sa manière d’aborder la scène, d’arriver, de tout lâcher, d’avoir une vision… De se dire je joue ce morceau, je vois que le public s’enflamme, je ne vais pas passer sur la seconde partie de la partition mais je vais faire tourner, faire monter la pression… Gottschalk, c’est une synthèse de tout ce que je cherche depuis tout petit. Je suis fan de Sidney Bechet, d’Albert Ayler. Il y a un grand écart entre choses actuelles et celles du passé sur notre label. Notre premier disque, avec Ukandanz, c’était aussi l’Éthiopie : on est allé chercher cette musique brute. Ancrée. Après, on a réédité Ellington vu par Sclavis… Pareil : Louis est alors dans une période « monsieur free jazz » et il fait ce disque sur Duke Ellington. Ce qui choquait à l’époque.