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Le Petit Bulletin : « Festivals d’été, faut pas rêver »

Le Petit Bulletin propose une analyse de la situation des festivals pour cet été en lumière des annonces de la ministre de la culture. Le média fait également un tour d’horizon des festivals de l’été, à lire en cliquant ici. En voici un extrait :

« Si la ministre de la Culture se montre optimiste dans ses récents propos concernant les festivals d’été, c’est surtout parce qu’elle occulte tout ce qui concerne la jeunesse et les musiques qui se dansent, du rock à la techno en passant par le rap. Une vision « OK boomer » et bourgeoise de la culture qui laisse sur le carreau un pan entier de la création, et les emplois qui vont avec. Et des publics désemparés, à qui l’on fait croire à tort qu’ils pourront vivre normalement cet été. Explications et tour d’horizon des festivals lyonnais.

C’est la pagaille. Euphémisme ! Solidays, Hellfest, Glastonbury, Garorock — ou Foreztival dans notre région : plusieurs des plus gros festivals européens prennent les devants et ont d’ores et déjà annoncé l’annulation de leur édition 2021. D’autres dévoilent comme si de rien n’était leur programmation et mettent en branle leur billetterie. Et Roselyne Bachelot continue de patauger dans une communication illisible, récupérant au passage l’idée des concerts test à Paris et Marseille dont elle n’est pas à l’origine (un écran de fumée pour les festivals : on ne voit pas à quoi les résultats, obligatoirement tardifs, leur serviront, a contrario des scientifiques — car il sera impossible pour la majorité d’entre eux d’appliquer les mêmes process sanitaires que lors de ces concerts soigneusement encadrés et gourmands en personnels ; à quoi bon essayer d’en organiser un troisième à la Halle Tony Garnier en juin comme le veut la municipalité lyonnaise, si ce n’est pour faire de la communication politique et montrer au public qu’on ne reste pas les bras croisés ?).

Roselyne Bachelot a donc reçu jeudi 18 février plusieurs organisateurs de festivals. Et a continué son jeu d’actrice de moins en moins crédible : oui, les festivals d’été auront lieu, mais… De passage à Lyon quelques jours plus tard pour les Victoires de la Musique Classique, elle n’a vu aucun organisateur de festival de musique. Ni eu le moindre mot pour eux. La ministre, comme son prédécesseur Franck Riester, ne sait visiblement pas à quoi ressemble et comment se monte la grande majorité des festivals d’été, quand elle dit qu’ils pourront se tenir avec une jauge de 5000 personnes assises. Et pour l’instant, de surcroît, sans bar ni restauration, cruciaux pour équilibrer les budgets de nombre d’événements — on ne parle même pas de la convivialité. Et quid des campings ? C’est, encore une fois, un oxymore qui nous est asséné par le ministère de la Culture, un refus de prendre ses responsabilités : on dit sur les plateaux TV et dans les matinales des radios : « allez-y, c’est possible avec ces règles », alors que dans la réalité, ces mêmes règles imposent de fait l’annulation de la grande majorité des festivals. Nathalie Perrin-Gilbert, adjointe à la Culture à Lyon, s’est aussi bien imprudemment avancée en déclarant le 19 février sur BFM Lyon : « c’est une bonne nouvelle pour les Nuits de Fourvière. Et sur la ville de Lyon, non, il n’y aura pas d’annulations de festivals. » Cette dernière nous a ensuite précisé : « oui, tout un aspect des festivals est passé sous silence par la ministre. Certains ne rentrent pas dans ces mesures, exclure le debout c’est exclure les musiques actuelles, comme chez nous Nuits sonores. Il faut que l’on regarde : comment la Ville peut les accompagner ? Tout un pan de l’activité culturelle est ignoré par le gouvernement. Et plus largement la jeunesse. Est-ce un modèle de culture qui ne correspond pas à ce que veut ce gouvernement ou bien est-ce un véritable impératif sanitaire ? » La Ville de Lyon se tient prête à aider dit-elle : « le reliquat du fonds d’urgence peut aller sur les festivals. C’est la volonté du maire, Grégory Doucet, de les accompagner. »

Rappelons-le : non, un concert ou un festival en live-stream n’est pas un festival. C’est juste une émission de télévision. Souvent très peu regardée. Plus l’horloge tourne — aucune date de début ou de fin de ces mesures n’a été communiquée —, plus il sera impossible pour les festivals d’été de se retourner même si la situation sanitaire évolue positivement : une programmation d’ampleur ne se façonne pas en quelques jours. Alors, oui, Avignon en théâtre, les festivals de musique classique pourront se tenir ainsi — « il va nous rester les festivals municipaux ou classiques, des trucs de vieux » nous dit Claire Henocque, patronne de Tour Makers qui gère les tournées de Obi ou Java. Mais pour les autres…

Car il faudra aussi jongler avec les tournées annulées : un headliner ne prend pas la route avec un planning en forme de gruyère. Ceux qui devaient jouer à Glastonbury ou Hellfest risquent fort de se dire qu’il est plus raisonnable d’attendre l’année suivante. Et donc de planter d’autres festivals qui comptaient sur eux. C’est déjà en cours : Thom Yorke, qui devait passer par Fourvière, a annulé toute sa tournée. Céline Dion a fait de même. Des gros tourneurs confient n’avoir plus aucun artiste anglo-saxon à leur catalogue pour l’été.

De plus, aux États-Unis comme en Angleterre, locomotives du marché de la musique, nombre de petits producteurs, tourneurs et artistes sont aujourd’hui exsangues, ne bénéficiant pas du régime d’intermittent du spectacle ou d’aide de l’État telle que le chômage partiel, comme en France. Combien ne sont plus en état d’organiser une tournée aujourd’hui pour cause de difficulté financière ? Si les petits sont à terre et que les gros du style Live Nation prennent le temps d’attendre un an, qui restera-t-il sur les affiches des festivals français en 2021 ? Des artistes locaux, au mieux. D’autant plus qu’un énième problème peut bloquer : la quarantaine dans certains pays (difficile d’imaginer Gorillaz patienter sept jours dans un hôtel avant de pouvoir passer dans un pays voisin — cette tournée serait d’ailleurs déjà annulée nous dit-on), voire même certaines frontières fermées provisoirement en cas de flambée d’épidémie dans un point du globe. Encore ? Les restrictions d’entrées sur le territoire Shengen : des tourneurs nous confient leurs grandes difficultés pour obtenir l’autorisation pour des artistes étrangers, le ministère de l’Intérieur retoquant nombre de dossiers. « Sans compter pour les tourneurs le risque pris, en cas d’annulations de festivals au dernier moment… Et Bachelot ne donne aucune date de reprise des festivals. La dernière deadline pour les festivals de juillet, c’est fin mars : sans mesures très claires sur le sanitaire et le financier, ce sera trop tard » précise Claire Henocque.

S’ajoute à cela — oui, encore — le problème du Brexit : entre les visas et les coûts des artistes (frais de douane, de dossiers, etc.) en augmentation, les festivals déjà en difficulté (plombés par les annulations de 2020 et précédemment par les frais de sécurité de la circulaire de Gérard Collomb) risquent fort d’avoir des soucis pour boucler leurs budgets. Car pour les téméraires qui se lanceront malgré tout dans l’aventure d’une édition 2021 s’ajouteront les frais pour faire respecter les protocoles sanitaires : barrières, plexigas ou encore agents de sécurité et d’accueil. Et au vu de l’ambiance actuelle, on attend avec impatience le premier débarquement de forces de police (la loi sécurité globale qui passe en mars au Sénat le permettrait) sur un site de festival pour contrôler que la jeunesse porte bien son masque, reste sagement assise et ne consomme surtout pas d’alcool en cachette si les bars sont encore fermés. Qui veut d’un festival sous cette forme ? Personne. Vincent Carry enfonce le clou du cercueil : « quel est le dispositif répressif par rapport à tout ça ? Sur les règles sanitaires, qui est responsable de quoi ? Si tout le monde descend dans la fosse d’un festival en amphithéâtre à 22h12, ça va se passer comment ? Si un cluster est identifié sur un festival assis, qui est responsable ? »

C’est Éric Fillion, de chez Médiatone, qui résume le mieux l’ambiance générale : « sur les neuf premiers mois de la crise, j’étais résilient, j’étais optimiste. Là, très près du premier anniversaire, on a pris un gros coup au moral. C’est très dur en ce moment : le moral est vraiment au plus bas. » »

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